dimanche 13 juillet 2014

XVII. Métaphysique



I. Introduction :

Dans cet article, nous allons nous arrêter sur certains points discursifs touchant la métaphysique dans le Coran. Revenir sur les questions des attributs divins, la nature du bien ou du mal, la question de la prophétie, la révélation etc. Comme pour les autres articles, nous allons veiller à respecter les critères de réfutabilité afin que chaque étape du raisonnement soit vérifiable.



L'intensité de la foi découle de la clarté de nos croyances.



II. Empreinte de Dieu :


كَانَ اللَّهُ عَلَىٰ كُلِّ شَيْءٍ قَدِيرًا
(Cor. 33,27)


□Les débats sur l'existence de Dieu, sa nature sont aussi vieux que l'humanité. Platon et Aristote ont impacté l'approche ontologique de Dieu chez les philosophes des religions Abrahamiques. En effet, les philosophes musulmans tels que al-Kindī, Farābī, Ibn Sinā, Al-Rāzī, ou Ibn Ruchd ont transmis ce savoir antique au monde juif et chrétien via Maymonide, Albertus Magnus, saint Thomas etc.

□Les arguments logiques de l'existence de Dieu sont multiples : savoir inné [1], intelligence première, cause ultime, premier mouvement, origine du bien [2] etc. Quels sont les caractéristiques de Dieu, ses attributs sont-ils inhérents à lui ? Peut-il connaître le futur, est-il visible ? Dans cette partie nous allons nous arrêter sur ces sujets.

□Certains versets nous éclairent à ce sujet; (Cor 54,29-30) : "Nous avons créé toute chose avec puissance et mesure, et Notre ordre fut comme un clignement de paupière.", (Cor. 33,27) : "Dieu a la capacité à faire toute chose.', et (Cor. 16,60) : "À Dieu revient tout ce qu’il y a de plus élevé.". Par conséquent, Dieu est créateur de toute chose, donc y compris de l'espace et du temps. Il est donc indépendant du temps et de l'espace. Or, il a le pouvoir en toute chose : il est donc capable de voir, entendre, parler, tenir, s'approcher, créer, donner vie ou faire mourir, etc. Enfin, comme il est hors du temps et de l'espace, il n'a pas de semblable.

□On s'aperçoit donc, que les débats sur ses attributs est inutile, puisqu'il a le pouvoir en toute chose. Au sujet de la volonté, on peut encore en traiter à part. Quoi que sans volonté Dieu ne serait pas capable en toute chose, il est légitime de s'interroger sur la volonté de Dieu. Ce sujet peut être clarifié très simplement : si l'espace et le temps n'existaient pas et qu'ils ont été créés, cela implique une intention et la capacité d'imaginer ce qui n'existe pas. Donc, que Dieu est doué de volonté est inhérent à sa capacité de créer ex nihilo.

□Plus exactement, l'absence d'existence n'existe pas a priori. C'est une fois l'univers créé que la notion théorique et formelle de son inexistence antérieure prend naissance. Au commencement il n'y a pas le néant, mais Dieu. Autrement il n'existerait simplement, définitivement rien du tout, ni même le néant. Ayant démontré dans l'article vers lequel reconduit le lien supra, nous ne reviendrons pas ici sur la preuve de l'origine absolue du temps et de l'espace.


III. La nature du bien et du mal : 


□ Les notions du bien et du mal ne sont pas des réalités objectives. Une chose conçue comme bien en un lieu et en un temps donné peut être conçue comme mal ailleurs ou en ce même lieu à un moment différent. Selon le Coran, le bien ou le mal se déterminent en fonction du rapport avantages ou inconvénients induits par un comportement (Cor. 2,216). Ainsi, la consommation d'alcool est prohibée, alors qu'il apporte des avantages et des inconvénients, car ses désavantages sont prédominants (Cor. 2,219). 
 
□ Dans le paradigme coranique touchant les notions du bien et du mal, ceux-ci sont donc liés à une finalité : le bien-être du genre humain (Cor. 2,185), (Cor. 22,78), (Cor. 6,119). Cette approche phénoménologique et pragmatique est une originalité du Coran. En effet, les philosophes anciens se contentaient ďy chercher tantôt une origine mystérieuse, tantôt une conséquences des commandements divins. Alors que le Coran enseigne une méthode structurée positive et logique.

□Le Coran lie la morale à l'ordre cosmique (Cor. 55,7-8), et souligne que tout dans les cieux et la Terre obéit à Dieu (Cor. 13,17). En analysant notre environnement scrupuleusement, nous pouvons constater que les organismes vivants ont été dotés de puissants moyens de protections, et d'un instinct de survie (Cor. 31,27). Cela constitue une finalité dans l'oeuvre divine qu'il devra donc incomber de respecter. De même, notre physionomie nous parle. Notre dentition, canines-incisives-molaires indique que nous sommes omnivores, notre système digestif renforce ce constat. Le buste imposant de nos mâles est un indicateur de notre fonction de protection, tandis que la poitrine et la hanche des dames montre qu'elles ont la capacité de donner la vie et perpétuer notre genre.

□Il est à souligner que sans accepter qu'il y a une finalité existentielle, il reste impossible de fonder les notions du bien et du mal de façon objective. Comme l'écrivait Dostoïevski : "Si Dieu n'existe pas tout est permis" [3].


IV. Libre arbitre et prédestination : 

□ Avec l'élaboration et la puissante confirmation de la relativité générale, il a été montré que le temps est simultané. Donc, notre futur existe déjà, et ce, depuis le moment du big bang. Il demeure donc la question du libre arbitre. Notre capacité de choisir nos gestes montre que nous avons un libre arbitre. Que le futur se soit concrétisé instantanément ne change pas cet état de fait. 

□ Dans ce cas, le Coran reconnaît-il le libre-arbitre ? À cela, le Coran répond de même par l'affirmative (Cor. 14,4). Quoi que Dieu soit omniscient, et que notre capacité de choisir soit délimité par la volonté divine (Cor. 6,111), le Coran insiste sur le fait que nous ne sommes pas contraints malgré nous (Cor. 2,256), (Cor. 10,99). C'est Dieu qui créé l'homme et ses oeuvres (Cor. 37,96).

□Le Coran souligne que nous ignorons ce qu'est le temps. "Ils n'en ont aucune science : ils ne suivent que la conjecture, alors que la conjecture ne sert à rien contre la vérité." (Cor. 52,47). Dans un hadith qudsī, le Prophète rapporte que Dieu a dit : "Le fils d'Adam insulte le temps  Or, c'est moi le temps, je fais tourner le jour et la nuit.". [4]. Pour nous, le futur est encore inaccessible, or pour Dieu il existe déjà. Dans un hadith, nous lisons que lors de son voyage céleste, le Prophète vit des gens au paradis et en enfer [5], il aperçut Adam lorsque les âmes de sa descendance étaient retirés de lui. Or, pour nous-autres, le jour du jugement n'est pas encore advenu, et Adam a déjà été envoyé sur terre et est décédé depuis des millénaires.


V. Notion de Prophète :

v. Notion de Prophète

□ Ce qui détermine un prophète se sont ses prophéties qui se concrétisent. Du fait que nous n'avons pas de moyen d'avoir d'information depuis le futur, la réalisation des prophéties est une preuve de leur fiabilité.

□Les débats sur la nature phénoménologique des prophéties sont un point central pour les religions révélées. Certains ont soutenu que le statut de prophète ne s'acquiert pas avec des efforts, d'autres que ceux-ci sont une catégorie supra-humaine. En réalité, il apparaît que la sagesse divine veut que ce soient les plus méritoires qui aient atteint ce statut. 

□ Du fait que la volonté divine peut s'entrevoir à travers son oeuvre semble expliquer que les âmes les plus affûtées acquièrent, tout comme l'éveil de nos sens, une perception plus ou moins précise de la volonté divine (Cor. 8,27). Cette perception conduit à la réception d'un message déterminé à être perçu depuis la genèse de l'univers. 


VI. Les miracles :

v. L'Approche historico-critique des miracles

□ Le Coran enseigne que Dieu crée en continu (Cor. 55,29), et également que ses actes sont stables, et qu'il ne s'y observe pas de changement (Cor. 48,29), (Cor. 35,43). Par conséquent, les miracles se situent dans le cadre des lois découlant des oeuvres de Dieu, qui ne montrent, selon les termes du Coran aucune aliénation. Il faut plutôt y chercher un signe dans le timing, et en terme de probabilité.

□ Par contre, le côté providentiel et subjugant des dits miracles montre une volonté divine. Ainsi, les miracles, comme les prophéties qui se concrétisent sont une preuve que les prophètes sont touchés du doigt de Dieu.


VII. Dieu peut-il être vu ?

□ Du fait qu'il est créateur de l'espace et du temps, Dieu est immatériel. Ce qui a soulevé des débats sur la possibilité de le voir chez les théologiens. 

□ En réalité, posée ainsi la question contient la clé de la solution. En effet, celui qui a créé l'espace et le temps alors que ceux-ci n'existaient pas et qui a créé la vue, l'ouïe et les émotions pourrait nous faire voir avec les oreilles ou entendre avec les yeux. Un verset du Coran explique que nos membres témoigneront à notre sujet en venant à la parole au jour du jugement (Cor. 41,54). La perception des couleurs, formes et mouvements par les yeux ne change pas le fait que dans le monde extérieur, il n'existe pas de teinte, et que l'espace est non local. De même les ondes sonores n'ont pas de timbre en dehors de notre esprit. Les cas de synesthésie montrent que ces perceptions dépendent de facteurs neurologiques. Il est possible d'associer des couleurs à des notes musicales, or Moïse aurait entendu la voix de Dieu.

Par conséquent, quoi que non matériel, Dieu existe, et il apparaît logique qu'il puisse donner à l'homme la capacité de le voir. Au point que cette vision soit même très au-delà de notre faculté visuelle en ce bas-monde.

D'après Abou Huraira : « Ils ont dit : - Ô Messager d'Allah ! Est-ce que nous allons voir notre Seigneur le jour de la résurrection ? Le Prophète dit : - Est-ce que vous vous gênez les uns les autres pour voir le soleil en milieu de journée quand il n'y a pas de nuages ? Ils ont dit : - Non. Le Prophète dit : - Est-ce que vous vous gênez les uns les autres pour voir la pleine lune quand il n'y a pas de nuages ? Ils ont dit : - Non. Le Prophète dit : - Je jure par Celui qui détient mon âme dans Sa Main ! Vous ne vous gênerez pas les uns les autres pour voir votre Seigneur comme vous ne vous gênez pas les uns les autres pour les voir ». (Muslim)





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[1] [click] Marjaana Lindeman, Bethany Heywood, Tapani Riekki, Tommi Makkonen. Atheists Become Emotionally Aroused When Daring God to Do Terrible Things. (January 2014) International Journal for the Psychology of Religion 24(2):124132 DOI: 10.1080/10508619.2013.771991

[2] Christoph Benzmüller and Bruno Woltzenlogel-Paleo (2014). "Automating Gödel's Ontological Proof of God's Existence with Higher-Order Automated Theorem Provers" (PDF). Proc. European Conference on Artificial Int0elligence. Frontiers in Artificial Intelligence and Applications. 263. IOS Press. pp. 93–98. 

[3] Dostoïevski, Les frères Karamazov, 4e partie, Livre XI, chapitre 4. (1880)

[4]  البخاري في صحيحه رقم ٦١٨١

[5] Musnad-i Ahmad, ibn Māja, ibn Jarīr, Bayhakqī, Hākim, ibn abī Hātim, Tabarānī, Bazzār, ibn Ishāq, ibn Mardūyah, abū Dāwūd. D'après : abū Hurayrah, abū Sa'īd al-Khdrī et Anas ibn Mālik.


 











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